De l’intérêt de mieux connaître MoReq (Model Requirements for the Management of Electronic Records)
Origine et raison d’être
Sans tradition de records management proprement dite, il n’est pas étonnant que la généralisation d’un mode de travail hybride, papier et électronique, ait d’abord débouché sur la conception et l’utilisation d’outils de gestion électronique des documents (GED) en Europe continentale. C’est aux EtatsUnis, en Australie et au Royaume Uni qu’ont été créés les premières normes et logiciels spécifiques au records management et à ses exigences accrues à la fin des années 1990 – le records management étant compris comme une démarche et un système permettant la conservation et l’exploitation de toutes les informations enregistrées et figées jusqu’au terme de leur valeur stratégique, informationnelle et/ou légale. La Commission européenne a voulu, par l’entremise de son programme sur l’échange de données entre les administrations, combler un retard en commanditant au DLM Forum le développement d’un modèle de spécifications pour les Electronic Records Management System (ERMS) et la rédaction de MoReq en 1999.
Le DLM Forum a été fondé par la Commission européenne en 1994 suite aux conclusions du Conseil de l’Union européenne relatives à une coopération accrue dans le domaine des archives. Avec un secrétariat basé en Angleterre, ce regroupement d’intérêt économique rassemble périodiquement des administrations publiques, des services nationaux d’archives et des représentants de l’industrie et de la recherche, avec pour objectif de traiter des problèmes de gestion, de stockage, de conservation et de récupération des données lisibles par machine (DLM), puis du Document Lifecycle Management (DLM), et plus largement aujourd’hui d’archives, de records et d’information management. Il a confié la rédaction de MoReq, puis MoReq2, à un cabinet de conseil britannique, Serco Consulting (ex Cornwell Management Consultants plc).
Cette genèse, nourrie de l’influence des archives nationales du Royaume Uni et de sa norme pour le records management, incite certains à voir dans le DLM Forum et le projet MoReq l’existence d’un leadership britannique. Or, dans une présentation à la conférence du DLM Forum de décembre 2008, Ulrich Kampffmeyer, directeur général de la société Project Consult basée à Hambourg, avance que la normalisation du records management en Allemagne, en Autriche et en Suisse passe par le secteur public (avec respective ment les projets DOMEA, ELAK et GEVER) et implique une approche différenciée par rapport au reste du monde. Il s’appuie sur une étude de marché du records management qu’il a réalisée à travers internet pour souligner l’importance encore attachée dans ces pays à la gestion des records papiers et au problème aigu de la gestion combinée des records papiers et électroniquesKampffmeyer, Ulrich, «Records Management market study for Germany, Austria and Switzerland», présentation à la Ve conférence du DLM Forum, Toulouse, 11 décembre 2008, , 1. Quel intérêt peut-il donc y avoir à mieux connaître MoReq en Suisse?
Contenu et mise à jour
A en croire ses concepteurs, le succès de MoReq depuis sa première publication en 2001 est incontestable en Europe et même au-delà. Ce texte se présente comme un recueil d’exigences types pour aider tant les fournisseurs de logiciels dans leur processus de développement que les organisations publiques ou privées dans leur démarche d’acquisition d’un ERMS. Il se veut pratique et facile à utiliser, et fait autorité en la matière, au point de revêtir l’aspect d’une norme bien qu’il n’en soit pas une stricto sensu. Pour rester en phase avec les évolutions des technologies de l’information et tenir compte des nouvelles normes et bonnes pratiques, Serco Consulting a réalisé à la demande du DLM Forum une mise à jour dite évolutive de MoReq avec l’appui d’un comité éditorial composé d’experts et de relecteurs bénévoles dans différents pays. Publié en 2008, MoReq2 est composé de quatre éléments, tous disponibles en ligne et téléchargeables gratuitement:
– les spécifications proprement dites;
– un modèle de métadonnées en annexe 9;
– une grille de tests pour vérifier la conformité d’un produit avec les spécifications qui sont testables;
– un schéma XML pour garantir l’interopérabilité des systèmes conformes à MoReq2.
Les spécifications font elles-mêmes l’objet de treize chapitres qui couvrent les aspects suivants:
– terminologie (chapitre 2);
– plan de classement et organisation des dossiers; contrôle et sécurité; conservation et destruction; capture et déclaration des records; identification; recherche, repérage et restitution; fonctions d’administration (chapitre 3 à 9);
– modules optionnels tels que la gestion des records papiers, les workflows, ou la signature électronique et le chiffrement (chapitre 10);
– exigences non fonctionnelles telles que la convivialité du système (chapitre 11);
– gestion des métadonnées (chapitre 12);
– modèle de référence d’un ERMS (chapitre 13).
Sans occulter le rôle essentiel des exigences non fonctionnelles dans la réussite d’un programme de records management, MoReq se concentre sur les spécifications fonctionnelles et génériques auxquelles doit pouvoir répondre un ERMS. Dans ce cadre et tout en prenant soin de ne pas considérer une plateforme particulière ou des problématiques métier spécifiques, il adopte une vision des fonctionnalités nécessaires la plus complète et précise possible. Les aspects pratiques, techniques, de déploiement d’un tel système étant propres à chaque organisation, ils ne sont pas abordés au même titre que les exigences non fonctionnelles. Il est donc impératif pour les utilisateurs de MoReq2 de considérer ses spécifications à la lumière des réalités de leur organisme et de les adapter, afin qu’elles correspondent au mieux à leurs besoins. Cette personnalisation nécessite l’analyse systématique et détaillée des besoins de chaque acteur de l’organisation, couplée à une vision prospective de ces besoins dans le temps. Elle re présente évidemment une étape essentielle dans la mise en œuvre de tout programme de records management, lequel n’implique d’ailleurs pas nécessairement l’acquisition d’un ERMS.
Limites et perspectives d’avenir
A l’heure où les nouvelles pratiques de travail liées au web 2.0 viennent remettre en cause les outils traditionnels du records management, il faut noter que MoReq2 rend obligatoire un plan de classement hiérarchique pour faciliter la navigation et permettre l’héritage des durées de conservation, sorts finaux et autres métadonnées aux niveaux inférieurs (3.1.4). En outre l’ERMS doit être capable de supporter des délais de conservation d’au moins un siècle (5.1.27) et d’exporter les records à valeur d’archives historiques avec leurs métadonnées sous la forme préconisée par la norme Open Archival Information System (OAIS) (5.3.4). La ligne de partage entre ERMS et système d’archivage électronique (SAE) est d’autant moins évidente qu’un ERMS équivaut à un SAE dans la traduction française. Il est vrai que l’on assiste de plus en plus dans le secteur informatique à une logique de décloisonnement entre applications pour converger vers une gestion globale de l’information au niveau de l’organisation. Reste que MoReq est encore peu connu des archivistes en général, ceux-là mêmes qui sont aujourd’hui confrontés à la lourde responsabilité d’initier la mise en place d’un SAE au bénéfice de l’organisation pour laquelle ils opèrent. Si MoReq se concentre sur les records nativement électroniques et aborde la question de la gestion des records papiers dans un module optionnel, il est important de rappeler que le records management ne concerne pas seulement les records électroniques mais toute information, quelle que soit son format et son âge, qui est enregistrée, à laquelle l’organisation attribue une valeur qui justifie sa conservation selon des règles qui respectent et garantissent sa nature de record.
En outre, la problématique des records structurés n’est pas abordée par MoReq dans la mesure où ceux-ci sont le plus souvent créés, gérés et stockés dans des applications métier, laissant ouverte la question de leur éventuel archivage historique. MoReq reflète le fait que les ERMS ont en principe trait à des records non structurés ou semi-structurés comme les dossiers sériels. Même avec ces limites, certains jugent MoReq2 trop exigeant et difficilement applicable, au point que le DLM Forum a entériné sa révision en mars 2010. Ce travail de remaniement a été confié à JournalIT, société de conseil basée en Angleterre. Pourtant, la société autrichienne Fabasoft s’est vue octroyer un certificat de conformité à MoReq2 pour son logiciel Fabasoft Folio en septembre 2009, preuve qu’il est possible de répondre aux exigences d’un tel modèle. Le système de la Confédération de gestion des affaires (GEVER) s’appuie d’ailleurs sur un produit normalisé appelé Fabasoft EGov Suite CH. Il semblerait que la crise aidant, les fournisseurs de logiciels aient réussi à faire pression sur le DLM Forum pour réduire et simplifier le nombre de spécifications obligatoires dans la prochaine version, baptisée MoReq 2010, et ainsi diminuer les coûts de développement. Les acquéreurs potentiels d’ERMS devront considérer les modules optionnels qui ne feront pas nécessairement l’objet de tests élaborés et menés par un organisme indépendant. Avec la publication de MoReq 2010 annoncée pour le dernier trimestre 2010, on peut espérer voir apparaître des offres d’ERMS conformes au standard européen. Toutefois, sans un soutien actif de la part des professionnels de la gestion de l’information et en particulier des archivistes, sans parler des records managers quand ils existent, le volume de la demande pour des ERMS conformes à MoReq pourrait rester difficile à chiffrer et continuer à décourager leur développement, a priori coûteux, auprès des éditeurs de logicielsInterview de Marc Fresko, Inforesight Limited, par Elizabeth Lomas, Northumbria University, et James Lappin, Thinking Records Ltd, à propos de MoReq2, podcast, 10 janvier 2010, , 2.
Idéalement, il faudrait que MoReq soit utilisé dans le domaine de l’Enterprise Content Management (ECM) par tous les fournisseurs de logiciels qui produisent des records non structurés, structurés, ou à caractère social (web 2.0) pour généraliser la fonction de records management plutôt que d’en faire un composant à part. Il existe également d’autres normes, de portée nationale, et désormais internationale avec celle publiée par le Conseil international des Archives en 2008Conseil international des archives, «Principles and Functional Requirements for Records in Electronic Office Environments», 2008, 3 modules disponibles sur http://www.ica.org.; l’avenir dira si celles-ci vont tendre à converger. MoReq2 représente néanmoins une solide base de travail pour penser, concevoir et formaliser les objectifs et les contraintes auxquels doit pouvoir répondre et s’adapter un système de records management. Dans cette optique, il s’adresse à un public large qui intègre non seulement les utilisateurs potentiels d’un ERMS pour préparer un cahier des charges ou les propriétaires existants pour évaluer leur produit, mais aussi les éditeurs de logiciels et les prestataires de services, que ce soit dans le domaine du conseil ou de l’archivage proprement dit, et enfin les organismes d’enseignement pour exploiter cette ressource de manière pédagogique. Officiellement rédigé en anglais, MoReq2 a fait l’objet de traductions dans différentes langues à l’initiative de bénévoles en Europe. Il existe ainsi en français, mais n’est pas encore disponible en allemand ou en italienMarie-Anne Chabin pour la Direction des Archives de France, «MoReq2: Exigences types pour la maîtrise de l’archivage électronique», 2008, <http://dlmforum.eu/index.php?option=com_jotloader&view=categories&cid=12_bcb6040aefc160c09ae4290ae1857b9f&Itemid=39&lang=en>.. Avis aux amateurs?
Documents de référence et informations complémentaires disponibles en ligne sur le site du DLM Forum (http://dlmforum.eu/) et le site créé par Infore sight Limited (http://moreq2.eu/).
Abstract
- Deutsch
MoReq (d.h. Model Requirements for the Management of Electronic Records) ist ein im Jahr 2001 veröffentlichter Anforderungskatalog, dem die in der angelsächsischen Welt als Electronic Records Management Systems (ERMS) bekannten digitalen Schriftgutverwaltungssysteme entsprechen sollten. Der Katalog wurde von einer britischen Beratungsfirma auf Initiative der Europäischen Kommission, unter der Schirmherrschaft des DLM Forums, einer wirtschaftlichen Interessenvertretung auf europäischer Ebene, erstellt. Im Jahr 2008 wurde er unter dem Titel MoReq2 einer Aktualisierung unterzogen. MoReq2 besteht aus vier Teilen, nämlich einem Metadaten-Modell, einem Testraster, einem XML-Schema und den eigentlichen Spezifikationen, die in 13 Kapiteln genau erläutert werden. Wie die Ausgangsversion konzentriert sich auch MoReq2 auf die funktionalen Anforderungen und die elektronischen Daten, ohne jedoch die Bedeutung der nicht funktionalen Anforderungen und den Wert von Papierunterlagen zu vernachlässigen. MoReq ist keine technische Norm, und auch wenn dieser Text praktisch und leicht zu benutzen sein möchte, bedarf er doch einer kritischen Lektüre, um die Anforderungen des Modells an die Bedürfnisse und Voraussetzungen jedes potenziellen Benutzers eines ERMS anzupassen. Im Übrigen wurde MoReq, als der Erfolg der ursprünglichen Version den Katalog in den Rang einer Norm erhoben hat, als zu anspruchsvoll kritisiert, sodass das DLM Forum seine Überarbeitung in einer neuen zukünftigen Version, MoReq 2010, in Auftrag gegeben hat. Es bleibt zu bemerken, dass ein Standardprodukt, Fabasoft Folio, 2009 als MoReq-konform zertifiziert wurde und dass GEVER sich auf ein Standardprodukt, die Fabasoft E-Gov Suite CH, stützt. Rückgriff auf ein Projekt und ein Dokument, das ein grosses Publikum interessieren könnte und das es verdiente, in der Schweiz besser bekannt zu sein.