La multitude des archives communales en Suisse
Il existe en Suisse autant d’archives publiques à l’échelle de la commune que d’entités locales qui peuvent être plus ou moins nombreuses et variées selon l’histoire propre à chaque canton. Le groupe de travail «Archives communales» de l’Association des archivistes suisses regroupe une vingtaine d’archivistes professionnel·le·s et représente les intérêts d’une multitude d’archives.
En Suisse, la commune est l’unité administrative la plus proche de la personne dans le système étatique et le plus bas niveau d’autorité au sein de l’organisation fédérale.
Les différents types de communes suisses
Ces entités locales peuvent prendre différentes formes, en particulier1:
- communes politiques ou municipales liées au territoire (Politische Gemeinde, Einwohnergemeinde ou Munizipalgemeinde en allemand, comuni ou municipalità en italien, vischnanca en romanche),
- bourgeoisies ou communes bourgeoises liées aux personnes (Bürgergemeinde, je nach Kanton auch Burger-, Ortsbürger- oder Ortsgemeinde, patriziato en italien, vischnanca burgaisa en romanche),
- corporations (Korporationsgemeinden) constituées autour des droits d'usage collectifs tels qu'ils s'exerçaient au Moyen Age sur des biens communaux, des forêts et des alpages2 (contrairement aux communes bourgeoises, l'adhésion à une corporation n'est pas obligatoirement liée au droit de cité),
- communes liées à une fonction comme les communes ecclésiastiques ou paroisses ou encore les communes scolaires (Kirchgemeinde oder Schulgemeinde),
- communes mixtes (Gemischte Gemeinde) spécifiques aux cantons de Berne et du Jura, qui résultent de la réunion de la commune municipale et de la commune bourgeoise dans le but de remédier aux inconvénients du dualisme communal (et parce qu’il faut bien s’amuser si on trouve que le système n’est pas suffisamment complexe).
Le nombre de communes politiques (2 145 au 1er mai 2022 selon l’OFS3) tend à baisser avec les fusions de communes4.
Dans certains cantons, les bourgeoisies et/ou les paroisses sont reconnues en tant qu’entités publiques locales de niveau communal. Dans d’autres cantons, ces entités ont disparu ou elles sont gérées au sein d’autres entités.
S’il est un cas qui illustre à lui seul l’imbrication de ces différentes formes de communes, c’est bien Lucerne. En 1831, la révision totale de la Constitution cantonale a introduit la division entre une commune politique, une commune bourgeoise et une corporation. Le rôle dominant de la bourgeoisie dans la Ville de Lucerne a ainsi pris fin: ses tâches se sont limitées au droit de cité, à l’assistance aux pauvres et à la tutelle. Avec l’introduction du Code civil fédéral en 1907, la responsabilité de la tutelle a été transférée à la commune politique.
Lors de ce que l’on appelle le «Sönderung» - la répartition des biens de l’État et des communes -, les archives ont également été réparties entre le canton et les trois communes urbaines mentionnées au début du 19e siècle. Les trois villes décidèrent cependant de gérer des archives en commun - les «archives des trois villes» - auxquelles s’ajoutèrent en 1874 les archives de la paroisse catholique romaine. La collaboration ayant été résiliée en 1915, il s’ensuivit une répartition des archives de la ville. Dans un contrat conclu avec les Archives de l’État en 1919, il a été décidé de transférer toutes les archives anciennes, et notamment celles des administrations supprimées, aux Archives de l’État. Cette concentration des archives anciennes aux Archives de l’État n’a cependant pas été réalisée de manière conséquente et complète et chacune des trois communes a conservé certaines sources anciennes ou ne les a versées aux Archives de l’État que des décennies plus tard.
La commune bourgeoise et la commune politique de la Ville de Lucerne ont fusionné en 2000. La commune corporative existe encore aujourd’hui et assume diverses tâches, dont l’octroi de permis de pêche ainsi que la gestion et l’entretien des forêts appartenant à la corporation, à la ville de Lucerne et à ewl AG.
Lors de la fusion en 2000, les archives de la commune bourgeoise ont été intégrées aux archives municipales de Lucerne en tant que fonds propre. Une partie des dossiers a toutefois été transférée aux Archives de l’État, car ils relèvent de leur compétence en raison de leur contenu et surtout de leur ancienneté – ils concernaient en particulier des représentants de l’ancienne ville-état avant 1800.
Il existe donc en Suisse autant d’archives publiques à l’échelle de la commune que d’entités locales qui peuvent être plus ou moins nombreuses et variées selon l’histoire propre à chaque canton5, 6. En revanche, il est très difficile de savoir le nombre de services d’archives communaux existants et constitués. Le groupe de travail «Archives communales» de l’Association des archivistes suisses représente les intérêts de cette diversité d’archives.
Cadres légaux et responsabilités en matière d’archivage
Les communes sont des entités publiques qui archivent de façon autonome. Le cadre légal dans lequel se situent les archives des communes est promulgué par chaque canton qui soit édicte des articles propres aux entités locales, soit fait appliquer, par analogie à l’ensemble des entités soumises à la loi, les principes cantonaux en matière d’archives7. Parmi ces lois ou ordonnances, on retrouve généralement une loi sur l’organisation des communes qui précise pour chaque canton les responsabilités en matière d’archivage, ainsi que des lois ou ordonnances sur l’archivage ou sur les archives publiques, sur la transparence (ou l'accès à l'information) et sur la protection des données personnelles.
Ces différents textes de lois sont parfois indépendants les uns des autres (dans les cantons de Appenzell Rhodes extérieures, Berne et Vaud notamment), parfois regroupés dans un même texte légal (VIDAG en Argovie, LIPDA dans le Valais). Ils sont souvent accompagnés d’un règlement d’application ou d’exécution. À noter que les communes lucernoises ne sont pas directement concernées par le cadre légal cantonal en matière d'archivage. La Loi sur les communes du Canton de Lucerne prescrit aux communes de gérer des archives et que la législation cantonale sur les archives s’applique par analogie à la sauvegarde et à l’utilisation des archives.
Certaines communes (par exemples les villes de Zurich et de Lucerne) intègrent dans leur réglementation propre la question de la gestion de leurs archives.
Les archives des communes bourgeoises et paroissiales
Survivances de l’Ancien Régime suisse, les archives des bourgeoisies (Bürgerarchiv), corporations, paroisses et autres communautés existent toujours de nos jours sous diverses formes.
Dans certaines anciennes ville-états comme à Genève ou Lucerne, les archives de ces anciennes bourgeoisies forment la base des archives cantonales correspondantes. À l’avènement des communes municipales ou politiques actuelles au 19e siècle, certains fonds de bourgeoisies ou de corporations ont été déposés dans les archives communales où ils forment parfois la base de ces archives.
Ailleurs, comme à Berne, à Fribourg, au Valais ou au Tessin, les bourgeoisies (Bürgergemeinde ou Patriziati) gèrent toujours les biens communaux comme les forêts, les pâturages, les vignes, et d’autres institutions comme des homes ou des foyers. Tout comme les paroisses (Kirchgemeinde ou Parrocchie), elles conservent et gèrent leurs archives indépendamment des communes politiques8.
Les organismes intercommunaux
Pour offrir certaines prestations communales telles la gestion des écoles, le service du feu, l’épuration des eaux ou la gestion des déchets, certaines communes peuvent se rassembler sous forme de groupements (Zweckverbände), syndicats (Gemeindeverbände) ou consortiums (consorzi) intercommunaux9, 10.
La gestion des tâches de ces entités est très souvent partagée en fonction d’intérêts propres au territoire et aux moyens financiers des entités. Si ces organismes sont considérés dans la plupart des cantons comme des entités communales, rares sont ceux qui gèrent leurs archives de façon professionnelle. La plupart du temps, ce sont donc autant d’archives publiques qui s’ajoutent à des archives d’une commune politique, sans qu’il soit toujours facile d’identifier la commune siège, responsable de ces archives.
Relations entre archives cantonales et communales
Les rapports entre canton et communes sont généralement établis par l’appareil législatif, soit pour émettre des recommandations, soit pour clairement déterminer les tâches qui incombent aux entités locales11.
Par exemple, le Canton du Jura impose un plan de classement déterminé et un calendrier de conservation aux communes, bourgeoisies et entités locales, alors que d’autres cantons comme Genève, Neuchâtel, le Tessin ou Zurich, émettent des directives tout en précisant la nécessité d’avoir des outils de gestion de leurs archives.
Plusieurs archives cantonales mettent ainsi à disposition des communes des recommandations telles que des guides pour la gestion de l'information et l'archivage, des modèles de plans de classement ou de règles de conservations, de recommandations pour le choix d'outils informatiques, etc. C'est notamment le cas dans les cantons de Zurich pour les communes politiques, les paroisses et les communes scolaires12, Nidwald13, Berne14, Vaud15 ou Neuchâtel16. Certains cantons, comme le Valais17, peuvent également accorder le dépôt d’archives de communes si celui-ci se justifie.
Ces recommandations sont généralement le fruit d’un travail collaboratif entre archivistes communaux et archives cantonales. Elles s’adressent également aux entités sans archiviste professionnel·le en place. Dans le canton de Vaud, l’Association vaudoise des archivistes (AVA) est régulièrement sollicitée pour participer à ce travail collaboratif.
Dans le Canton de Lucerne, il existe une collaboration spéciale entre le canton et l'Église nationale reconnue de droit public, le «service d'archives ecclésiastiques» (Kirchlicher Archivdienst).
L'Église nationale catholique romaine du canton de Lucerne finance un poste à 50% aux Archives de l’État, qui conseille les communes ecclésiastiques et les paroisses catholiques romaines du canton sur les questions d'archivage. En outre, le service d'archives ecclésiastiques traite les archives des associations et des fédérations catholiques aux Archives de l’État.
Dans un autre domaine, les Archives cantonales vaudoises ont réuni en 2003, à l’occasion du bicentenaire de la naissance du canton de Vaud, tous les inventaires des archives communales vaudoises pour les documents antérieurs à 1960 et les ont mis à disposition dans une base de données commune (Panorama 1)18. Ce projet a été suivi d’un nouveau portail pour les archives communales vaudoises mené conjointement par les Archives cantonales vaudoises et les archivistes des communes intéressées (lire ci-dessous).
La plupart du temps, la surveillance de la bonne tenue des archives locales incombe au canton. Toutefois, dans certains cantons, la surveillance est plus souple pour les services d'archives constitués avec du personnel spécialisé.
Entre services d’archives internes et externalisation
Généralement, seules les grandes communes (la plupart des chef-lieux cantonaux, Winterthour, Lugano, Bienne) ou de plus petites villes avec une riche histoire (Sursee, Stein am Rhein, Montreux, Meyrin) ont un service d’archives professionnel. Toutefois, la taille ne fait pas tout et il faut souligner qu'il existe aussi certaines grandes localités qui n’ont pas d’archivistes.
Voici trois exemples de services d'archives professionnels dans des communes suisses:
La Ville de Zurich, qui compte environ 400 000 habitant·e·s, dispose des plus grandes archives communales de Suisse. Les Archives municipales de Zurich, dotées d'environ 18 postes à plein temps, sont les archives compétentes pour l'administration municipale qui compte 9 départements et environ 30 000 collaborateurs et collaboratrices.
Lucerne, ville suisse de taille moyenne comptant environ 83 000 habitant·e·s, emploie environ 1 700 personnes dans son administration (pour 1 100 postes à temps plein, sans compter les enseignant·e·s de l'école primaire et de la musique). Les archives municipales de Lucerne disposent d'un peu plus de 4 postes à temps plein. Il convient de noter que le périmètre des archives et en particulier le nombre de collaborateurs et collaboratrices à Lucerne a changé au cours des dernières décennies en raison de la privatisation de différents services municipaux (dans le domaine des transports publics, de l'approvisionnement en énergie et en eau, ainsi que des centres pour personnes âgées) ou en raison des fusions de communes (commune bourgeoise avec commune politique en 2000, commune politique Littau avec la Ville de Lucerne en 2010).
Le service d’archives de la Ville de Baden en Argovie (20’000 hab.) est pour sa part externalisé auprès de la société docuteam. Les archivistes de la Ville ne sont donc pas employé·e·s de l'administration.
Au Tessin, si des villes comme Lugano, Locarno et plus récemment Mendrisio ont un service d’archives dot
Au Tessin, si des villes comme Lugano, Locarno et plus récemment Mendrisio ont un service d’archives doté de personnel qualifié, pour différentes raisons historiques et administratives, la Ville de Bellinzone, chef-lieu du canton (plus de 43 000 habitantes et habitants après les dernières agrégations) n’emploie aucun·e archiviste fixe à l’heure actuelle.
é de personnel qualifié, pour différentes raisons historiques et administratives, la Ville de Bellinzone, chef-lieu du canton (plus de 43 000 habitantes et habitants après les dernières agrégations) n’emploie aucun·e archiviste fixe à l’heure actuelle.
La nécessité d’un traitement sur le long terme de telles structures a souvent permis l’engagement pérenne ou l’externalisation d’un·e ou de plusieurs archivistes professionnel·les.
Or, la plupart des nombreuses petites et moyennes communes ne dispose pas d’archivistes qualifié·e·s, encore moins d’un service d’archives. Dans ces communes, la gestion des archives est généralement sous la responsabilité de la personne responsable de l’administration.
Néanmoins, pour répondre à la législation en matière d’archivage (et au contrôle des Archives d’État), pour les besoins d’améliorer la gestion de l’information au sein de l’administration (par exemple dans le cadre de la dématérialisation des processus communaux ou suite à une fusion de communes) ou encore pour les besoins de recherches historiques (généralement dans le cadre de la célébration d’un jubilé ou d’une publication), les petites et moyennes communes attribuent régulièrement des mandats ponctuels de gestion documentaire ou d’archivage de leurs fonds à des archivistes indépendant·e·s ou à des prestataires de services d’archivage19, 20.
Dans le canton de Neuchâtel, afin d’assurer la bonne gestion de leurs documents et de leurs archives, certaines communes ont décidé en 2009 de fédérer leurs ressources en engageant un archiviste intercommunal, «partant du constat que la plupart des communes, au contraire des grandes cités urbaines, n’ont pas les compétences au sein de leurs administrations pour gérer une masse d’informations en constant accroissement et de plus en plus multiforme» (lire Baptiste de Coulon, «Le SIAr: un ovni dans le paysage archivistique suisse» dans arbido 2016/2).
Ce poste d’archiviste intercommunal - désormais transformé en Service intercommunal d’archivage (SIAr) - est géré par une équipe d’une dizaine d’archivistes de la société docuteam.
Quand des communes de taille moyenne disposent d’un·e archiviste professionnel·le, celui ou celle-ci est souvent seul·e dans son service d’archives et est amené·e à discuter et collaborer avec d’autres archivistes.
Ainsi, dans les cantons de Vaud et de Genève, les archivistes communaux se sont regroupés pour mettre en place des portails qui réunissent les inventaires d’archives des différentes communes de chaque canton:
Au-delà de la mise à disposition du public d'un instrument de recherche mutualisé pour les différentes communes, ces projets romands ont favorisé les échanges de pratiques professionnelles et ont créé des synergies, tout en laissant à chaque service d’archives leur autonomie dans la description de leurs fonds.
À Genève, la dynamique a notamment permis d’initier les discussions avec le Service informatique de l’Association des communes genevoises (SIACG) pour que ce dernier puisse également intégrer les outils de gestion documentaire (records management) dans son offre de mise en œuvre d’un système de gestion électronique des documents (GED ou GEVER) dans les communes.
Le Canton du Tessin a quant à lui la particularité d’avoir créé en 1990, sur mandat du parlement cantonal, un service propre aux archives locales (Servizio archivi locali, SAL), afin de palier à l’urgence de sauvegarde du vaste patrimoine archivistique de plus de 600 entités locales (communes, bourgeoisies, paroisses et autres consortiums). Le SAL, rattaché aux Archives d’État du Tessin, effectue donc des mandats de traitement de fonds d’archives aux entités qui le demandent et qui financent le travail de la personne professionnelle mise à disposition. La priorité reste pour l’instant le traitement des fonds d’archives.
On le voit, les solutions pour l’archivage sont aussi diverses que l’est la variété des réalités des archives communales entre les cantons.
Contenu des fonds d’archives
Le contenu des fonds d’archives varie en fonction des prérogatives accordées aux entités locales, mais globalement il s’agit de la réalité locale, proche des gens. Dans certains cantons plus que d’autres.
En plus des activités administratives usuelles (gestion des autorités, des finances, du personnel communal, etc.), les activités opérationnelles portent généralement sur la gestion du territoire (urbanisme) et des biens communaux (patrimoine bâti, terrains, forêts, infrastructures telles que routes et chemins, etc.), les flux de la population, les naturalisations et agrégations, l’assistance publique et l’aide sociale, la sécurité et la santé, l’enseignement, les soutiens aux associations et sociétés locales, l’organisation de manifestations, ... On trouve également des documents attestant des relations avec des entreprises représentant le tissu artisanal et industriel de la région.
Les archives des consortiums ou regroupements intercommunaux sont en principe conservées dans la commune où se trouve son siège ou alors sont réglées dans les statuts ou textes constitutifs.
Enfin, les archives communales conservent souvent des collections photographiques ou iconographiques, témoignages de l’histoire locale, et des fonds privés d’associations, de partis politiques ou de personnalités locales viennent parfois enrichir le patrimoine archivistique communal.
Défis...
Malgré la richesse de leur patrimoine, les entités locales font face à de nombreux défis.
Tout d’abord, le peu de ressources attribuées aux archives (en personnel, espace, matériel adéquat) est souvent le reflet du manque d’intérêt que trouvent au quotidien les administrations locales à valoriser leurs fonds d’archives. La simple conservation de documents peut être un défi énorme pour une commune dont les espaces sont souvent limités et dans des bâtiments peu adaptés à l’entreposage des archives.
La dématérialisation des processus de la cyberadministration n’est pas non plus une sinécure pour ces communes; elles peinent souvent à cerner les priorités entre protection et sécurité informatique de leurs données, tri de ces données et contrôle de leur cycle de vie, enfin préservation numérique sur le long terme.
Difficile de dépoussiérer l’image des archives lorsque ces dernières continuent à être entassées dans un grenier mal isolé ou au fonds d’une cave humide et que les données de la population dans leur application métier ne sont pas perçues comme des archives!
En matière d’accès aux documents, les petites et moyennes communes ont rarement l’infrastructure adéquate et la connaissance des dossiers qui peuvent être mis à disposition du public, en respectant le cadre légal et réglementaire en vigueur. Il y a donc des risques de pertes de dossiers ou de transmission de documents qui peuvent contenir des données personnelles.
Certes, les archives cantonales ont généralement un rôle de surveillance en la matière, mais il y a un équilibre à trouver entre la souveraineté communale et cantonale alors que les moyens manquent.
Dans certains cantons, les fusions de communes sont de plus en plus fréquentes, et ce généralement pour rationaliser les ressources communales. C’est parfois une opportunité pour traiter les fonds d’archives des anciennes communes avant la fusion et pour mettre en place un système de gestion documentaire cohérent pour l’ensemble de la nouvelle administration communale. Toutefois, lors de telles réorganisations, les archives ne figurent, la plupart du temps, pas au rang des premières priorités. Par ailleurs, elles encourent le risque que les fonds d’archives des anciennes communes restent dans les anciennes maisons communales, sans surveillance et petit à petit oubliés, voire disloqués ou détruits lors d’une nouvelle affectation du bâtiment.
En matière de gestion et conservation des données numériques, très peu de communes, et encore moins les petites, n’ont à elles seules les ressources pour affronter ce défi. De plus, les responsabilités dans la gestion de certaines données sont souvent croisées entre les compétences fédérale, cantonale et communale. Au vu de la multiplicité des registres informatisés, il n’est pas toujours évident de déterminer les responsabilités en matière d’évaluation archivistique et de conservation de ces données.
Lors d’une table ronde «Les données communales dans les applications spécialisées cantonales et nationales», le 29 octobre 2021 à Zoug, le groupe de travail «Archives communales» de l’AAS a mis en évidence cette
Lors d’une table ronde «Les données communales dans les applications spécialisées cantonales et nationales», le 29 octobre 2021 à Zoug, le groupe de travail «Archives communales» de l’AAS a mis en évidence cette problématique de l’archivage des applications métier au moyen de plusieurs exemples concrets, tels que les données de l’État civil qui sont de la responsabilité communale, sous contrôle des cantons, et gérées dans un système unique mis à disposition par la Confédération suisse (Infostar: gestion informatisée des registres de l'état civil).
problématique de l’archivage des applications métier au moyen de plusieurs exemples concrets, tels que les données de l’État civil qui sont de la responsabilité communale, sous contrôle des cantons, et gérées dans un système unique mis à disposition par la Confédération suisse (registre INFOSTAR).
… et pistes de solutions
Afin de permettre de mutualiser les compétences et les ressources, la coopération intercommunale ou des partenariats ponctuels sur des projets spécifiques pourraient être des pistes de solution, que ce soit pour le soutien dans la mise en place et le suivi d’une gouvernance documentaire, dans le traitement des fonds d’archives ou de supports spécieux, ou encore pour la valorisation de ces fonds sous forme d’inventaires en ligne. Ce d’autant plus que ces systèmes ont déjà fait ses preuves pour d’autres prestations communales (lire l'article complémentaire de Nicoletta Solcà, «Archivi comunali, supporti particolari e progetti in partenariato: il caso di Lugano»).
La mutualisation des infrastructures d’archivage (systèmes pour les inventaires d’archives ou pour la préservation numérique par exemple) à travers des plateformes partagées permettrait également de valoriser le patrimoine régional sans coûts excessifs supplémentaires, tout en permettant aux petites et moyennes entités de rendre leur patrimoine visible à tout le monde, tant pour l’administration communale que pour le public (population, élèves, scientifiques, généalogistes, journalistes, etc.).
Au Tessin, un projet de mutualisation des ressources pour le traitement, la valorisation et la conservation des archives des 17 patriziati de la région du Malcantone qui mettent également à contribution les communes est un bon exemple de coopération en cours.
Le groupe de travail «Archives communales» de l'AAS comme «Selbsthilfegruppe»
Le groupe de travail «Archives communales» (AG Stadt- und Gemeindearchive, GL Archivi comunali e municipali) offre une plateforme d'échange et de discussion sur les défis archivistiques tels qu'ils viennent d'être décrits.
Depuis 2003, ce groupe défend les intérêts des archives communales les plus diverses de toutes les régions de Suisse. En 2022, le groupe de travail réunit 14 représentantes et représentants de différentes communes et villes des quatre régions linguistiques de la Suisse.
Les archives représentées sont aussi variées que la carte des communes de Suisse: la plus petite commune représentée dans le groupe de travail compte 3 505 habitants (1 698 ménages privés), la plus grande regroupe 420 217 personnes (204 411 ménages privés).
Malgré son hétérogénéité, le groupe de travail, appelé aussi secrètement groupe d'entraide, élabore des thèmes actuels qui présentent un intérêt particulier pour toutes les archives communales. Il est souvent possible de recourir aux expériences ou aux «best practices» d'autres archives communales.
Cela permet à la fois d'échanger des connaissances et de créer un vaste réseau au sein de la communauté archivistique et avec les personnes intéressées.
Conclusion
Ce point de situation sur les archives au niveau communal a tenté de dresser un bref panorama de la situation actuelle. Malgré l’immensité du travail pour les archivistes, il semble que la situation tende à s’améliorer, en partie grâce à la mise en place dans désormais tous les cantons de bases légales en matière de gestion documentaire et d’accès aux archives communales qui peuvent servir de leviers.
Toutefois, il reste à convaincre les différents partenaires de mettre les ressources à disposition et à encourager la mise à disposition, d’une façon ou d’une autre, d’archivistes professionnel·le·s auprès des entités qui en sont dépourvues.
- 1 Pour en savoir plus sur l’organisation communale en Suisse, nous recommandons la lecture des articles (multilingues) du Dictionnaire historique de la Suisse (DHS), notamment «Gemeinde», «Genossenschaft», «Bürgergemeinde», «Korporationen» et «Kirchgemeinde» ou encore de l'encyclopédie Wikipédia «Gemeinde (Schweiz)».
- 2 Dans certains cantons de Suisse centrale et orientale, ces Korporationsgemeinden, en tant que corporations de droit public, gèrent généralement des biens communs tels que des forêts, des pâturages, des alpages, des cours d'eau et des chemins.
- 3 Office fédéral de la statistique (OFS), Application des communes suisses.
- 4 Par exemple, en 1920, il y avait encore 3136 communes, soit près de 1 000 communes de plus qu'en 2022. Seules 25 communes comptaient plus de 10 000 habitants en 1920. Aujourd'hui, elles sont 163. Voir Office fédéral de la statistique (OFS; éd.): Statistisches Jahrbuch der Schweiz, vol. 31 (1922), p. 44.
- 5 «Archives et identités communales. Archives et frontières», in: arbido 5/2004, 2004, pp. 4–41, notamment Rodolfo Huber, «Gli archivi comunali in Svizzera», pp. 13–15.
- 6 Nicolas Georges, «Commune vaudoise, territoire, lieu et héritage archivistique», in: Panorama des archives communales vaudoises, 1401–2003, 2003, pp. 27–58.
- 7 Le site web de la Conférence des directrices et directeurs d’Archives suisses (ADK-CDA) offre une vue d'ensemble de la législation sur les archives par canton. Schweizerische Archivdirektorinnen- und Archivdirektorenkonferenz (ADK), «Übersicht - Archivrecht in der Schweiz» / «Aperçu des bases légales relatives aux archives en Suisse» [consulté le 23.08.2022].
- 8 Pour plus de détails concernant le Tessin, voir Marino Lepori, «L’attività del «Servizio archivi locali» dell’Archivio di Stato», in: Fogli, Informazioni dell’Associazione Biblioteca Salita dei Frati di Lugano. avril 2004. No. 25, pp. 3–8.
- 9 Andreas Ladner, Peter Steiner, «Cooperazione intercomunale» in: Dizionario storico delle Svizzera.
- 10 Marcel Schenker, Das Recht der Gemeindeverbände. Unter besonderer Berücksichtigung der Verhältnisse in den Kantonen Bern, Luzern, Nidwalden, Zug, St.Gallen, Graubünden, Aargau, Waadt, Neuenburg und Jura. St. Gallen, Schweizerisches Institut für Verwaltungskurse an der Hochschule St. Gallen, 1986 (St. Galler Beiträge zum öffentlichen Recht).
- 11 «Cantons et communes: une collaboration archivistique plurielle», in: arbido 7-8/1999, 1999, pp. 4–10.
- 12 Staatsarchiv des Kantons Zürich, «Leitfaden Informationsverwaltung und Archivierung für Gemeinden» [aufgerufen am 22.08.2022].
- 13 Staatsarchiv Nidwalden, «Leitfaden für Gemeindearchive» [consulté le 23.08.2022].
- 14 Amt für Gemeinden und Raumordnung des Kantons Bern, «Arbeitshilfe Gemeindearchive» / Office des affaires communales et de l'organisation du territoire (OACOT), «Guide sur les archives communales» [consulté le 27.08.2022].
- 15 État de Vaud, «Archives communales» [consulté le 27.08.2022].
- 16 République et Canton de Neuchâtel, «Pour les communes» [consulté le 27.08.2022].
- 17 Canton du Valais, «Conseil et soutien aux communes municipales et bourgeoisiales» / Kanton Wallis, «Beratung an die Einwohner- und Burgergemeinden» [consulté le 27.08.2022].
- 18 Gilbert Coutaz, Eloi Contesse et Jean-Jacques Eggler, «Panorama: un portail Internet au service de la Mémoire communale dans le canton de Vaud», in: arbido 2012/1.
- 19 Pascale Marder. Gemeindearchive: Zwischen Selbstverwaltung und Mandatsverhältnis (en ligne) [consulté le 14.08.2022]. Fachhochschule Graubünden, Chur: Churer Schriften zur Informationswissenschaft, 2020.
- 20 Le numéro 2016/2 d’arbido «Délocalisé, acheté, externalisé / Ausgelagert, eingekauft, fremdbeschafft» présente quelques autres exemples d’externalisation de l’archivage pour des communes.
Abstract
- Français
- Italiano
- Deutsch
Ce point de situation sur les archives à niveau communal en Suisse tente de dresser un bref panorama de la situation actuelle.
Il existe en Suisse autant d’archives publiques à l’échelle de la commune que d’entités locales qui peuvent être plus ou moins nombreuses et variées selon l’histoire propre à chaque canton.
Le groupe de travail «Archives communales» de l’Association des archivistes suisses regroupe une vingtaine d’archivistes communaux professionnel·le·s et représente les intérêts d’une multitude d’archives.
Malgré l’immensité du travail pour les archivistes, il semble que la situation tend du moins à s’améliorer grâce à la mise en place dans désormais tous les cantons de bases légales en matière de gestion documentaire et d’accès aux archives communales. Si ces bases peuvent servir de levier, il reste à convaincre les différents partenaires de mettre les ressources à disposition et à encourager la mise à disposition d’une façon ou d’une autre d’archivistes professionnel·le·s auprès des entités qui en sont dépourvues.
Il gruppo di lavoro “Archivi comunali e municipali” dell’Associazione archivisti svizzeri raggruppa 14 archivisti professionisti attivi in ambito comunale. Permette lo scambio di opinioni e di best practices fra impiegati in archivi di dimensioni e caratteristiche diverse e rappresenta gli interessi di una moltitudine di archivi, rispecchiando la realtà articolata dei Comuni svizzeri.
In Svizzera, il Comune è l’entità politica più vicina ai cittadini nel sistema statale e il livello più basso dell’autorità nel sistema federale. Esistono tanti archivi pubblici a livello comunale quante sono le entità locali, che possono essere più o meno numerose e variegate a seconda della storia di ciascun cantone. Al comune politico si affiancano, nella maggior parte dei cantoni, numerosi altri enti di diritto pubblico che portano il nome di “comune”, ognuno dotato di proprie autorità e di una propria amministrazione, come ad esempio i Bürgergemeinde, le bourgeoisies, le corporazioni comunali di diritto privato, o ancora gli Schulgemeinden.
Così come a livello politico, anche per il tema degli archivi il panorama è composito, anche a livello legislativo: i Comuni sono enti pubblici che archiviano autonomamente e generalmente l’archiviazione viene prevista all’interno della legislazione cantonale, che può prevedere articoli specifici per gli enti locali o applicare per analogia i principi cantonali in materia di archivi. Non mancano casi particolari: nel Canton Lucerna la Gesetz über das Archivwesen si applica unicamente agli organi cantonali, mentre per i Comuni l’archiviazione viene prescritta nella Gemeindegesetz. E ci sono Comuni, come ad esempio Zurigo o Lucerna, che integrano nella legislazione comunale la gestione dei propri archivi.
Nel quadro della legislazione cantonale hanno un impatto sul tema dell’archiviazione anche le prescrizioni legate alla protezione dei dati e alla trasparenza dello stato, soprattutto per quanto riguarda l’accesso ai documenti e la loro conservazione. Queste leggi a volte sono indipendenti l’una dall’altra (ad esempio, nei casi di Appenzello Esterno, Berna, Vaud), e altre volte sono invece raccolte in un’unica legge (è il caso di Argovia e Vallese).
Anche i rapporti fra archivi cantonali e archivi comunali possono variare molto da Cantone a Cantone. In molti casi l’Archivio di Stato offre indicazioni o anche direttive per i comuni, i patriziati e le parrocchie (Zurigo, Nidvaldo, Berna, Neuchâtel, Vallese…). In Ticino l’Archivio di Stato ha un ruolo più di consulenza: presso l’Archivio di Stato esiste il Servizio Archivi Locali che, su mandato puntuale da parte dell’ente interessato, può intervenire per il trattamento di fondi di archivio. In altri Cantoni questo tipo di attività viene affidato dai Comuni ad archivisti indipendenti.
Un'altra questione che va tenuta presente riguarda la differenza fra piccoli, medi e grandi centri. Se le città spesso hanno a disposizione un servizio con personale qualificato dedicato alla gestione dell’archivio, molto spesso i Comuni medio-piccoli non dispongono di un servizio di archivio e la responsabilità della gestione dei documenti è affidata al personale amministrativo, anche se esistono esempi di comuni o patriziati che hanno deciso di unire le forze per attivare una collaborazione in questo campo, come ad esempio il Service intercommunal d’archivage (SIAr) a Neuchâtel o il progetto recentemente nato fra i patriziati della regione del Malcantone, nel Cantone Ticino, per la gestione e valorizzazione degli archivi patriziali.
L’articolo offre dunque una panoramica di questa complessa situazione, con l’analisi delle principali sfide e delle problematiche che si incontrano a livello comunale, sia per quanto riguarda la gestione dei documenti cartacei, sia per l’accesso e la consultazione dei dati, sia per la complessa questione dei documenti digitali (che pone problemi anche di tipo economico: un piccolo Comune difficilmente può acquistare uno strumento di archiviazione digitale costoso). Presenta infine alcune delle attività proposte dal gruppo di lavoro “Archivi comunali e municipali” nel corso dei suoi numerosi anni di attività.
Diese Bestandsaufnahme der Archive auf Gemeindeebene in der Schweiz versucht, einen kurzen Überblick über die aktuelle Situation zu geben.
In der Schweiz gibt es auf Gemeindeebene ebenso viele öffentliche Archive wie lokale Behörden, die je nach der spezifischen Geschichte eines jeden Kantons mehr oder weniger zahlreich und vielfältig sein können.
Die Arbeitsgruppe "Gemeindearchive" des Vereins Schweizerischer Archivarinnen und Archivare besteht aus rund 20 professionellen Gemeindearchivarinnen und -archivaren und vertritt die Interessen einer Vielzahl von Archiven.
Trotz der immensen Arbeit für die Archivar:innen scheint sich die Situation zumindest tendenziell zu verbessern, da mittlerweile in allen Kantonen gesetzliche Grundlagen für die Schriftgutverwaltung und für den Zugang zu Gemeindearchiven geschaffen wurden. Dies kann als Hebel dienen, dennoch gilt es verschiedene Partner davon zu überzeugen, die nötigen Ressourcen zur Verfügung zu stellen. Ausserdem muss die Anstellung von ausgebildeten Archivarinnen und Archivaren dort, wo diese fehlen, auf die eine oder andere Weise gefördert werden.