Le Web 2.0 comme outil d’un nouvel individualisme
Les agrégateurs, ces outils qui foisonnent sur le web et que la «génération numérique» s’approprie sans complexe, sont en train de transformer la relation de l’individu au monde. Ou plutôt à sa vision du monde. Car chaque usager peut désormais créer son histoire, proposer un tableau de «son» monde et le partager. Le Web 2.0 serait-il le cheval de Troie d’un nouveau narcissisme? Et comment les professionnels de l’information documentaire peuvent-ils tirer leur épingle du jeu?
Le Robert vs Yahoo Pipes and Co
Nous avons probablement tous le souvenir de soirées au coin du feu, ou autour d’une table, en famille ou avec des amis, où les discussions parfois enflammées étaient ponctuées de pauses «vérification», le Petit Larousse, le Robert ou, pour les mieux lotis, l’Encyclopedia Britannica étant les références ultimes et donc des pacificateurs bienvenus.
Même scène, quelques années plus tard ou avec des «digital natives» (la génération née avec l’avènement du numérique), qui exhibent Yahoo Pipes, un service gratuit d’éditeur visuel en ligne qui combine et fait un «mash up», le dernier mot tendance dans le monde Web 2.0, de plusieurs sources d’informations («mashup»: littéralement «purée», il consiste à mélanger des images et des sons numériques). L’éditeur graphique est judicieux quoique déroutant pour des non-initiés: on clique, on tire et on laisse tomber les modules dans une fenêtre, on réunit avec des modules d’union, on ajoute des modules de tri, des modules filtres; on agite le tout et voilà une «gerbe d’informations» personnalisée que l’on peut partager avec d’autres.
Même possibilité de créer des interfaces personnalisées avec des agrégateurs comme iGoogle et Netvibes ou des sites web de réseau social comme My-Space ou encore Facebook, qui permettent de créer son propre monde.
Les folksonomies: l’explosion des communautés
Elément le plus important du Web 2.0, les folksonomies désignent un système de classification collaborative décentralisée spontanée. Chaque utilisateur nomme en effet comme il l’entend les informations qu’il ajoute. On retrouve par exemple un tel système de classification sur YouTube pour les vidéos. Parmi les nombreux sites fonctionnant selon ce système, on peut mentionner les suivants:
– Del.icio.us, sites de partage de signets
– Flickr, site de partage de photos
– Wikipedia, site de partage de contenus
– rss4you et Bloglines.com, sites de partage de flux RSS
– StumbleUpon, site de classement de pages web
– Technorati, qui permet d’effectuer des recherches sur les blogs selon leurs étiquettes
– U-lik, qui permet de partager l’ensemble de ses goûts (livres, films, œuvres d’art, musées)
Contrairement aux systèmes hiérarchiques de classification, les contributeurs d’une folksonomie ne s’en tiennent pas à une terminologie prédéfinie et sont libres d’adopter les termes qu’ils souhaitent pour classifier leurs ressources. Ces termes sont souvent appelés mots clés ou tags (étiquettes). Autrement dit, il n’y a plus de règles de catalogage, ce qui peut paraître scandaleux pour les professionnels de l’information documentaire! De l’ordre logique porté par ces derniers, on glisse vers un ordre organique qui semble faire imploser toute forme de classification rationnelle. Autre conséquence non négligeable: les fournisseurs professionnels perdent leur exclusivité, puisque les usagers se réapproprient le web comme outil, qu’ils y créent leurs propres portraits et les proposent à tout un chacun.
Les folksonomies présentent pourtant plusieurs avantages. En effet, d’une part, les requêtes sont plus intuitives puisque la classification relève elle-même des idiosyncrasies du contributeur; d’autre part, l’intérêt des folksonomies est lié à l’effet communautaire: pour une ressource donnée, sa classification est l’union des classifications de cette ressource par les différents contributeurs. L’utilisateur dispose ainsi de nuages de tags – ou tagclouds – qui lui permettent de suivre de proche en proche les terminologies des autres contributeurs pour explorer et découvrir des ressources connexes.
Alors que faire des OPAC’s?
Les catalogues en ligne (OPAC’s: Online Public Access Catalogue) seraient-ils donc devenus superflus? On peut en effet se poser la question de savoir ce que l’on peut en faire vu que les utilisateurs ont déjà accès gratuitement aux ouvrages sur Googlebook, par exemple. La réponse coule de source: les rendre accessibles sur Web 2.0!
En effet, les OPAC’s contiennent beaucoup d’informations utiles qui peuvent être valorisées dans le cadre du nouveau paradigme qu’est le Web 2.0. Ces catalogues seront combinés avec d’autres sources d’informations. On mentionnera ici, à titre d’exemple, Librarything.com, qui permet à tout un chacun de créer sa propre bibliothèque et de la partager.
Le projet allemand MedioVis est particulièrement intéressant dans ce contexte. Il s’agit en effet d’un catalogue multimédia de type «mashup» qui est interconnecté avec d’autres sites et sources d’informations. MedioVis permet la recherche dans des données bibliographiques du fonds d’une médiathèque et offre diverses possibilités de visualiser les résultats, qui sont partiellement enrichis de données externes.
Le catalogue lui-même n’est plus que le noyau à partir duquel on accède à une foule d’informations annexes, glanées dans un espace hétérogène.
L’adaptation des prestations des professionnels de l’information documentaire
Face à la multiplication des outils du Web 2.0 et à ce véritable tournant culturel et épistémique que constituent notamment les folksonomies, les professionnels de l’information documentaire doivent adapter leurs prestations. René Schneider, professeur en information documentaire à la Haute école de gestion de Genève, suggère plusieurs solutions. Les petites bibliothèques peuvent par exemple créer un univers de sources d’informations pour leurs clients et proposer leur propre service sur Netvibes. Ces mêmes bibliothèques peuvent par ailleurs devenir membres d’une communauté. Dernier exemple en date: la Bibliothèque nationale, qui va mettre les photos numérisées sur Flickr.com. La British Library et la Library of Congress le font également ...
Quant à savoir comment enrichir les catalogues en ligne avec d’autres sources ou comment les intégrer ou participer à une communauté, les pistes sont nombreuses et les solutions multiples. Celles-ci ne dépendent pas des possibilités techniques, mais bel et bien de l’intérêt que les professionnels peuvent y trouver et de la charge de travail supplémentaire que cela peut impliquer.
A moins qu’il ne s’agisse, plus radicalement, d’opérer une révolution dans leur manière de concevoir leur relation à des clients dont le comportement peut laisser penser qu’ils pourraient très bien se débrouiller seuls ...
Abstract
- Deutsch
Yahoo Pipes und andere Anbieter eröffnen die Möglichkeit, verschiedene Informationsquellen miteinander zu kombinieren und seine (Such-)Vorlieben zu personalisieren. Die von visuellen Editoren unterstützten Programme generieren ein «Mash-up» (von engl. to mash: mischen, verstampfen) – gemischt wird dabei, was der Nutzer vorgibt.
Mit «Folksonomie» wird das spontane, dezentrale, von bestimmten «Communities» (z.B. YouTube, Wikipedia) vorgenommene Verschlagwort benannt. Jeder User verschlagwortet die Information, die er zur Verfügung stellt, nach seinen ganz eigenen Vorstellungen. Die User halten sich nicht an eine vordefinierte, hierarchisch definierte Struktur, sondern klassifizieren die Inhalte individuell. Dabei kommen Schlüsselwörter (sog. Tags) zur Anwendung, die zu einer Schlagwortwolke (sog. Tag-clouds) aneinandergereiht werden können. Die dadurch entstehende «Ordnung» ist organisch und nicht unbedingt logisch.
Werden Online-Kataloge oder OPACs (Online Public Access Catalogue) dadurch obsolet? Angesichts der Tatsache, dass die User freien Zugang zu Diensten wie Google Book haben, kann man sich diese Frage durchaus stellen. Eine Lösung wäre das Zur-Verfügung-Stellen der OPACs im Web 2.0 – und damit das Nutzen der entsprechenden Vorteile (z.B. Kombinierbarkeit mit weiteren Informationsquellen).
Die Profis aus dem Informations- und Dokumentationswesen werden nicht darum herumkommen, ihre Dienstleistungen angesichts des kulturellen Paradigmenwechsels (v.a. junge, «web-native» User haben diesen Wechsel vollzogen resp. kennen nichts anderes) den neuen Gegebenheiten anzupassen. Bibliotheken etwa können ihr Angebot ausbauen und für ihre Kunden einen eigenen Netvibes-Service anbieten, und sie können Mitglieder von Communities werden.
Für die entsprechende Aufbereitung der Daten stehen zahlreiche Lösungen zur Verfügung. Die Technik ist kein Problem, entscheidend ist der Wille und die (nicht zuletzt zeitliche ...) Bereitschaft der Betreiber, diesen Schritt zu machen.