Commentaires Résumé
2010/4 ABD Stellen und Katastrophen

Le plan de catastrophe: un piège?

Commentaires Résumé

De nombreux sinistres, engendrés prin­cipalement par l’eau dans toutes ses formes, plus rarement par le feu ou par des éboulements, ont prouvé la néces­sité de gérer efficacement ce genre de situation pour limiter l’ampleur des dommages et les coûts du sinistre. Pour cette raison, un nombre croissant d’ins­titutions qui s’occupent de biens cultu­rels écrits se dotent d’un plan de catas­trophe.

Cette contribution utilise librement des éléments du chapitre 6.VIII de la quatrième édition de mon livre De Tutela Librorum, Baden, Hier+Jetzt, 2010. Pour un développe­ment plus large de ce thème, se reporter à ce texte.

Une simple recherche sur le Web permet de disposer de nombreux plans de catastrophe standardisés, que l’on peut télécharger; on pourrait croire qu’il suffit de remplir les cases prévues à cet effet pour disposer d’un plan d’urgence et être ainsi mieux paré face à un sinistre de plus ou moins grande ampleur. 

Un plan de catastrophe élaboré de cette manière peut cependant se révéler un piège parce qu’il est largement incomplet. Si nous prenons à titre de comparaison le monde de l’alpinisme, se doter d’un tel plan d’urgence correspond à acheter une corde pour escalader une paroi rocheuse, sans avoir ni baudrier, ni renvois, ni les connaissances indispensables pour la manipulation de la corde ... Sans nier l’utilité de la corde, il manque beaucoup d’éléments pour atteindre le but désiré et un niveau de sécurité raisonnable.

Pour revenir à notre thème, si un plan d’urgence tel qu’on peut le trouver sur le Web peut avoir son utilité, que lui manque-t-il pour être efficace? Avant d’aborder ce sujet, une clarification terminologique me paraît indispensable.

Plan de catastrophe – plan d’urgence en cas de catastrophe – plan d’urgence sont des termes généralement utilisés pour définir les mesures à prendre en cas de sinistre. Pour plus de clarté, je définis les termes suivants: 

Plan de gestion des sinistres: comprend l’analyse des risques, les mesures préventives et le plan d’intervention en cas de sinistres (et donc aussi le plan d’urgence).

Plan d’intervention en cas de sinistres: comprend les procédures d’alarme, la définition des responsabilités et des compétences en cas de sinistre, et l’ensemble des mesures qui s’appliquent une fois un sinistre survenu. Parmi ces dernières: les procédures et les ressources matérielles et humaines pour la première intervention (plan d’urgence), les procédures et les ressources pour la stabilisation et le rétablissement des locaux et des fonds concernés. Il considère donc les aspects avant – pendant – après un sinistre, jusqu’à la reprise normale des activités de l’institution.

– Plan d’urgence: comprend les premières mesures à mettre en œuvre pour limiter les dommages et organiser le sauvetage des fonds en cas de sinistre. Il doit être orienté vers l’efficacité pratique sur le lieu du sinistre. Les textes sont réduits au strict minimum et souvent remplacés par des symboles.

La distinction entre plan d’intervention et plan d’urgence naît du constat que de nombreux plans déjà élaborés sont trop lourds et complexes pour être utilisés de manière efficace sur la scène d’un sinistre. Dans cette situation, on doit disposer d’éléments basiques et facilement accessibles, alors que des informations plus différenciées deviennent nécessaires pour les mesures préventives et dans la deuxième phase du sauvetage.

Le terme général «plan de catastrophe» ou «plan d’urgence» correspond donc à ce que j’ai nommé un «plan d’intervention», qui comprend à son tour un «plan d’urgence». 

Dans cette contribution, je ne désire pas développer les contenus du plan d’intervention et du plan d’urgence, mais plutôt les aspects collatéraux, à mes yeux essentiels, qui risquent d’être oubliés ou considérés de manière insuffisante si on limite la démarche à l’établissement d’un plan standardisé dont on remplit les cases vides. 

1. Analyse des risques et des mesures de prévention correspondantes 

Selon l’adage qu’il vaut mieux prévenir que guérir, tout sinistre évité coûtera bien moins cher que la gestion optimalisée d’un sinistre qui s’est produit. Un plan d’intervention devrait impérativement être complété par un plan de gestion des sinistres, basé sur une analyse des risques dans la situation spécifique. Ce travail demande beaucoup d’expérience et de professionnalisme, et une excellente connaissance du bâtiment concerné; il devrait être mené par un groupe interdisciplinaire formé au moins par un spécialiste en conservation préventive et par une personne connaissant bien les aspects techniques du ou des bâtiments concernés.

Une telle analyse permet généralement d’éliminer un certain nombre de risques avec un investissement financier raisonnable, et de limiter d’autres risques dont l’élimination causerait des dépenses disproportionnéesUne telle analyse fait évidemment partie de l’expertise des bâtiments sur laquelle on base une politique de conservation préventive..

Dans l’analyse des risques, il ne faut pas oublier les aspects administratifs, qui concernent principalement les contrats d’assurance et les disponibilités financières immédiates (ou la capacité de prendre des engagements) au moment d’un sinistre.

L’expérience a montré que le rapport entre l’investissement nécessaire pour l’élaboration d’un plan de gestion des sinistres et la réduction des coûts et des dommages en cas de sinistre est dans tous les cas favorable.

L’analyse des risques devrait permettre également d’établir un calendrier d’entretien régulier du bâtiment concerné, ce qui constitue un facteur de prévention très important.

2. Analyse des fondations pour identifier les risques spécifiques 

Les caractéristiques matérielles des fondations ont une influence importante sur les contenus d’un plan d’intervention et sur les priorités de sauvetage. Si nous pouvons définir comme «standard» les livres et les documents imprimés sur papier, en vrac, brochés ou avec des reliures artisanales ou industrielles du XIXe et XXe siècles, une série d’exceptions devrait être considérée, car un traitement inadéquat de ces objets aboutirait à une aggravation importante des dommagesPour une description plus approfondie de ces catégories, cf. la partie citée de l’édition 2010 de De Tutela Librorum, ou d’autres publica­tions spécialisées. Voir aussi http://www.bnf.fr/fr/professio... (VIII/2010) .

Un plan d’intervention devrait par conséquent être basé sur une analyse matérielle des fondations, qui permet d’identifier les cas particuliers auxquels l’institution risque d’être confrontée.

Pour l’établissement d’un plan d’intervention, il faut encore définir les risques qu’on va considérer. A titre d’exemple, les catégories de risques suivantes, et leurs combinaisons possibles, donnent lieu à des procédures d’intervention souvent spécifiques:

Feu

– Objet brûlés 

– Traces de brûlures, suie 

– Odeur de brûlé 

Eau 

– Objets détrempés 

– Objets partiellement mouillés 

– Objets humides 

– Eau propre 

– Eau avec boues (rivière, eau salie par les décombres) 

– Eau contaminée par des excréments (animaux, égouts) 

– Eau contaminée par de l’huile de chauffage, de l’essence 

– Eau avec adjuvants d’extinction 

– Mousse d’extinction Poussières 

– Poussières provenant du bâtiment 

– Poudre d’extinction Dommages mécaniques 

– Déformations 

– Dommages aux marges 

– Déchirures, état fragmentaire 

– Ecrasé et fragmentaire (constructions écroulées)

Dommages biologiques 

3. Analyse intellectuelle des fondations pour établir des priorités de sauvetage en cas de sinistre majeur 

En cas de sinistre important, où une intervention rapide n’est plus possible pour tous les fonds touchés, les priorités de sauvetage pour les fonds représentent une aide importante pour la prise de décisions.

Les priorités de sauvetage peuvent concerner soit l’importance culturelle, historique ou financière de certains objets ou collections, mais aussi leur valeur juridique ou l’utilité immédiate pour garantir le fonctionnement d’une institution. Il est utile d’établir 3 priorités de sauvetage, en limitant au maximum à 20% des fondations la première priorité, et à un 20% supplémentaire la deuxième priorité.

Ces priorités devraient être reportées sur les plans précis des magasins, qui comportent également les cotes des documents. Sauf cas particuliers, l’«unité de sauvetage» est le rayonEviter de diffuser ces priorités qui permettent d’identifier rapidement les documents les plus précieux et de tenter les voleurs!.

4. Analyse de la situation régionale pour coordonner les connaissances, et les ressources en vue d’une entraide mutuelle en cas de sinistre 

Un plan de gestion des sinistres complet, bien adapté à une institution donnée peut être un investissement médiocre si d’autres institutions ayant des fonds analogues se trouvent dans les environs et se sont déjà dotées d’un plan basé sur un modèle différent. Si la partie concernant l’analyse des risques et les mesures préventives est forcément spécifique pour chaque institution, l’adoption de plans basés sur un modèle commun est avantageuse pour tous les partenaires et peut concerner les domaines suivants:

– Structure générale et aspect graphique du plan. Cet aspect augmente l’efficacité d’une éventuelle entraide, car chacun est familier avec le langage et la structure du plan.

– Listes d’adresses de fournisseurs extérieurs de matériel et de prestations: par le partage, on réduit les coûts de la recherche et de la mise à jour.

– Procédures d’intervention pour les différents types de fonds et cas de figure: une élaboration à l’aide de spécialistes qualifiés peut profiter à plusieurs institutions et réduit également le coût d’un plan individuel.

– Stocks de matériel de secours unifiés et disponibles réciproquement: augmentation de la quantité de matériel disponible, rationalisation et diminution des coûts.

– Formation: des séances de formation communes augmentent la motivation et créent un cadre favorable en cas d’entraide. Elles permettent la réalisation d’exercices plus réalistes pour des institutions de petite taille, pour lesquelles l’organisation d’un exercice est une charge lourde.

5. Formation du personnel

La formation des personnes concernées par une intervention en cas de sinistre est un volet essentiel pour que les mesures envisagées soient efficaces au moment voulu. Cette formation devrait comporter plusieurs aspects, théoriques et pratiques.

Connaissances théoriques

– Connaissance théorique des caractéristiques propres des matières présentes dans les fondations et de leur sensibilité au feu, à l’eau, aux dommages mécaniques ou à des facteurs de dégradation spécifiques.

– Connaissance des principaux types de sinistre, développement du feu, cas de figure d’inondations, basés sur des sinistres survenus ailleurs. 

– Connaissance des contenus du plan de gestion des sinistres, plan d’intervention et plan d’urgence. Familiarisation avec les symboles utilisés dans le plan d’urgence.

Exercices pratiques: le but de l’exercice pratique est de se familiariser avec les caractéristiques propres aux livres et documents sinistrés (aspect, poids, difficultés de manipulation, etc.). Ce point est important pour diminuer la charge émotionnelle lors d’une intervention réelle. Seul l’exercice permet de diminuer ce choc bien connu lors de sinistres dans le passé.

Les exercices pratiques devraient être organisés avec des matériaux de rebut partiellement brûlés, mouillés, endommagés, dans un cadre réaliste (local froid, assez sombre, exercice exécuté en automne ou en hiver). L’exercice devrait comprendre l’intervention sur le lieu du sinistre (simulé), l’organisation des équipes et de la place de secours, la mise en place des mesures de sauvetage, la protection des fonds pas directement touchés, le tri, l’enregistrement, l’emballage et l’évacuation des objets touchés.

Conclusion

Un plan d’intervention avec son plan d’urgence ne trouvent leur sens qu’en tant que partie d’une politique générale de conservation. Leur établissement doit être basé sur une analyse approfondie de la situation des locaux et des fonds. Ce travail devrait être accompli en collaboration avec un/une spécialiste en conservation préventive, qui peut garantir la qualité du plan, condition indispensable à son efficacité au moment d’un sinistre.

Tous les éléments cités ci-dessus font partie d’un tel plan, tout comme chaque pièce de l’équipement d’un alpiniste est indispensable à sa sécurité; une simplification amène inévitablement à une augmentation objective des risques.

Giovannini Andrea 2018

Andrea Giovannini

Andrea Giovannini ist als Berater für die Konservierung vom Schriftgut seit 30 Jahren in der Schweiz und Ausland tätig. Parallel unterrichtet er die Prinzipien und Methoden der Konservierung vom Schriftgut in verschiedenen Ausbildungen für Bibliothekare und Archivare, auf Bachelor- und Masterniveau. Es ist der Autor des Referenzbuches De Tutela Librorum: La conservation des livres et des documents d'archives / Die Erhaltung von Büchern und Archivalien (4. Auflage 2010 bei Hier und Jetzt).

Résumé

Immer mehr Institutionen arbeiten Katastrophenpläne aus. Der Autor nimmt eine Be­griffsklärung vor und unterscheidet zwischen einem Plan zum Umgang mit Katastro­phen, einem Einsatzplan im Fall einer Katastrophe und einem Prioritätenplan. Zuerst soll ein Plan zum Umgang mit Katastrophen die möglichen Risiken abklären und eine Liste der zu treffenden Massnahmen im Ernstfall festhalten. Ein solcher Plan muss auch die finanziellen und versicherungstechnischen Rahmenbedingungen im Scha­densfall beinhalten. In einem zweiten Schritt soll der Bestand auf mögliche Schadens­ risiken analysiert und sollen die Prioritäten bei der Rettung des Bestandes festgelegt werden. In einem nächsten Schritt sollen Möglichkeiten der gegenseitigen Hilfe im Katastrophenfall sowie die Nutzung gegenseitiger Kompetenzen zwischen den Institu­tionen geplant und vereinbart werden. Sehr wichtig sind die Kenntnisse der Mitarbei­terinnen und Mitarbeiter betreffend die Notfallpläne sowie die praktische Ausbildung für den Katastrophenfall.