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2013/3 Parlons jeunesse – Reden wir vom jungen Publikum!

memorado.ch – Une association pour renouveler l’enseignement de l’histoire par les sources

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Entretien avec le président de l’association, Dominique Dirlewanger, maître d’histoire au gymnase à Lausanne, historien à l’interface Sciences - Société (UNIL)

arbido: memorado.ch est une association créée en 2007, dont les statuts précisent qu’elle cherche à «promouvoir la découverte, la redécouverte et l’étude de l’histoire suisse à l’intention d’un public adolescent et adulte». Comment est née cette idée? 

Dominique Dirlewanger: Effectivement, notre association veut faire redécouvrir l’histoire suisse dans une perspective critique, internationale et intégrant les recherches historiques récentes. Au point de départ, après l’affaire des fonds en déshérence qui a débouché en 1999 sur le Rapport Volcker et bien sûr sur le Rapport Bergier en 2002, la sortie très médiatisée, fin 2006, de L’histoire suisse en un clin d’œil par la journaliste Joëlle Kuntz, nous a confortés dans l’idée qu’une demande sociale existait pour mieux saisir l’his- toire nationale et qu’il fallait permettre de la «redécouvrir» sous un œil critique, par-delà les repères chronolo- giques. Si l’adolescent le moins préoccupé par les études se souvient du 1er août ou de la Seconde Guerre mondiale, ce ne sont toutefois que des bribes qui ne sont pas rattachées à un discours cohérent. Nous souhaitons montrer qu’il existe une richesse archivistique locale, en Suisse, qui permet d’éclairer de larges pans de l’histoire nationale et internationale.

Quand vous dites «nous», de qui parlez- vous? 

memorado.ch est née de la complicité réunissant quelques enseignants-e-s, chercheurs et d’historien-ne-s romand-e-s qui se connaissaient bien et qui étaient sensibles aux relations à nourrir entre recherche académique et enseignement (secondaire et gymnase). Nous avons postulé qu’il serait utile de se tenir mutuellement informés des pratiques, plutôt que de perpétuer une relation «à distance» entre lieux de production (recherche académique) et lieux de consommation (enseignement aux adolescents). Nous nous sommes retrouvés sur l’idée que du point de vue des enseignants, il y avait un réel intérêt à la médiation scientifique, à la vulgarisation bien comprise. Il y a de cela plusieurs années à Berne, nous avions connaissance d’un assistant universitaire qui avait l’obligation de participer aux examens de maturité et de présenter à l’association professionnelle des enseignants les publications récentes en histoire. Ce lien devait pouvoir se renforcer et prendre d’autres formes. Pour beaucoup d’assistants ou jeunes chercheurs sans embauche universitaire, il fallait imaginer enseigner, mais chacun constatait que l’on manquait de matériel et de temps pour le rassembler en vue de son utilisation pédagogique. L’association a été pensée pour résoudre ce type de problèmes.

Un tel dialogue est-il encouragé par l’organisation de l’enseignement en Suisse romande? 

Tout à fait. Notre démarche s’est trouvée renforcée par la réforme du plan d’étude romand selon l’accord intercantonal HarmoS. Pour le domaine des sciences humaines et sociales, l’enseignement de l’histoire vise à «identifier et analyser le système de relation qui unit chaque individu et chaque groupe social au monde et aux autres». Cette approche doit permettre d’acquérir des «compétences civiques et culturelles» que les jeunes auront à disposition pour exercer «une citoyenneté active et responsable par la compréhension de la façon dont les sociétés se sont organisées et ont organisé leur espace, leur milieu, à différents moments».

Ces objectifs passent par une «confrontation méthodique de sources variées et par la formulation et la vali- dation d’hypothèses» qui encouragent la démarche comparative (l’ici et l’ailleurs dans l’espace et le temps). Cela suppose clairement la mise à disposition de sources documentaires qui donnent la possibilité d’une observation directe et critique des traces du passé. Une telle approche renforce l’intérêt d’un enseignement par l’histoire locale ou nationale. Au gymnase, le niveau d’abstraction est évidemment plus élevé. Réfléchir sur l’identité nationale suisse, c’est alors l’inscrire dans les problématiques du nationalisme ou des luttes sociales par-delà leur dimension strictement nationale.

J’ai l’intime conviction que plus on a fait de la recherche, mieux on transmet, et mieux on enseigne. Continuer une activité de recherche, c’est un moyen fort pour une transmission vivante, même si cela ne dit rien sur la manière dont on pense la transmission. En exerçant le regard historique sur une source, on donne une méthode et une culture historique. Cela est vrai dès les petites classes, à 10–12 ans: qui dit quoi, quel est l’enjeu du document? Par l’analyse de la source, on donne des éléments pour comprendre comment on fait l’histoire. On donne ainsi un moyen d’enraciner les savoirs qu’on transmet. Ce sont des spécialistes qui peuvent le faire. Le meilleur matériel didactique ne remplacera pas le spécialiste, car l’histoire est une matière d’enseignement qui tire son originalité et sa force de cette méthode.

Comment l’association agit-elle?

Nous avons plusieurs cordes à notre arc. Il y a des rencontres et une offre numérique connexe. Nous proposons deux réunions par année où des documents d’histoire sont présentés. Elles rassemblent une dizaine de personnes, des professeurs de gymnase et quelques professeurs de collège avec des postdoc ou de jeunes chercheurs. Ces présentations n’ont pas de visée directement «pédagogique». Il s’agit de travailler autour du document entre chercheurs universitaires et enseignants. On propose simplement une expertise académique qui veut nourrir une pratique d’enseignement, car l’on sait que le rapport au document change radicalement l’ambiance et la réception de la matière enseignée dans la classe, ne serait-ce que par sa dimension physique (fac-similé).

D’autres rencontres hors-université sont également organisées sous forme de conférences et ateliers, comme ce fut le cas pour les 10 ans du Rapport Bergier ou avec un didacticien lucernois récemment. De plus, nous sommes associés à la section d’histoire de l’Université de Lausanne dans le cadre d’un module sur l’édition de sources au sein d’un CAS.

Le site web memorado.ch complète la démarche. Il offre un accès direct à des sources historiques d’époques variées avec un commentaire qui sert de mise en contexte et d’ouverture au débat. Récemment, un dossier mis en ligne s’intéresse à «l’éducation dans les campagnes» à travers deux textes de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Ces imprimés ne sont pas des «inédits» (l’un est disponible sur la plateforme digibern, l’autre est disponible via books.google), mais ils ont été choisis (le problème de l’évaluation vu la masse d’information devient crucial) pour rendre compte d’un débat dans l’espace public de nos contrées, qui s’inscrit, de fait, dans une problématique européenne. L’enseignant peut ensuite s’appuyer sur le commentaire produit par une étudiante de l’Université de Lausanne qui donne le contexte général et offre des pistes d’analyse pour chaque document.

Toutes ces sources sont choisies librement par les chercheurs qui les mettent à disposition de memorado.ch. Le site est bien utilisé, avec un bon niveau de téléchargement (15–20 fois par semaine), même si l’on ne sait guère l’usage qui est fait des documents. Notre vocation n’est pas d’empiéter sur la liberté pédagogique: nous reconnaissons l’autonomie des enseignants et ne cherchons pas à nous adresser au «paresseux». Notre offre ne fait pas le travail de l’enseignant, car on ne cherche pas à donner un produit clé en main, de A à Z. On donne à voir des ressources, pour déclencher des pratiques, qu’on espère d’autant plus efficaces que rien n’est imposé à quiconque.

En somme, votre projet permet de renouveler la manière d’enseigner en renforçant les échanges entre chercheurs et enseignants. Quelle place accordez-vous aux adolescents eux-mêmes dans votre dispositif et aux archivistes?

Il est vrai que notre association n’a pas de membre archiviste professionnel. Rien ne l’interdit. memorado.ch est une pierre à l’édifice, modeste. Il faudra former les enseignants à la pratique des sources, qui implique archives et bibliothèques comme centres de ressources et de collaboration. Les enseignants préparent souvent leurs cours en archives et les associent à leurs propres recherches. Il faudrait trouver un dispositif pour une mise en valeur des archives par des rencontres, visites. Le modèle reste à trouver.

Pour les élèves, nous avons inauguré en 2012 une approche permettant de les associer. Ce fut lors de la journée d’étude consacrée aux 10 ans de la Commission Bergier. Quatre conférences et workshops furent organisés. Les élèves purent rencontrer des historiens de l’université au même titre que leurs professeurs. Le grand enseignement de cette journée sur le campus universitaire fut de permettre, par le mélange des publics, de donner un rapport nouveau au savoir: pour les jeunes, il y a eu une évidente prise de conscience sur le sens à donner à l’idée d’une formation continue et sur la manière dont la connaissance se construit. Pour eux, comme pour leur professeur, ce fut un moment stimulant qui a enrichi leur retour en classe, comme un moyen de comparer les modes d’enseignement.

Vous privilégiez la mise à disposition de sources écrites sur votre site; avec les adolescents gavés d’image, est-il important de valoriser les textes?

Il est évident que les sources audiovisuelles auraient un pouvoir de fascination a priori supérieur au texte, même si la matérialité restituée des documents agit comme déclencheur d’attention.

Ceci dit, l’attention portée au document audiovisuel n’est pas supérieure à celle que les jeunes peuvent accorder au document écrit, une fois passée l’excitation première. On ne saurait se satisfaire de l’illusion d’écoute de la part des élèves qui peut accompagner la projection d’un film. En fait, le véritable enjeu, c’est d’améliorer la capacité de concentration des adolescents sur la durée. C’est un exercice progressif, par étape, qui permet de passer d’un texte court à un document très long, au même titre que l’on peut passer du journal télévisé pour arriver aux neuf heures de Shoah ...

Le travail d’analyse, la déconstruction des images ou des textes procèdent également d’une logique similaire.

Quant à l’énonciation, même si elle doit se faire oralement, on constate que les élèves se passent difficilement de l’écriture pour structurer leurs propos.

Notre action modeste, à l’image des vidéos que nous mettons en ligne, est une manière de s’interroger sur trois questions fondamentales: à quoi sert l’histoire? Comment fabriquer l’histoire? Quel est le rôle de l’histoire nationale?

Pour les jeunes, le passé reste un monde fascinant, il suffit de voir la place du passé dans les jeux vidéos. Il faut apprendre à rendre visible l’expertise de l’historien, car tout le monde n’est pas historien, et l’on a besoin de cette spécialisation pour former les jeunes, ce qui ne peut se confondre avec d’autres enseignements, comme l’enseignement aux médias ou le français.

Entretien mené par Frédéric Sardet, rédaction arbido 

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Dominique Dirlewanger

maître d’histoire au gymnase à Lausanne, historien à l’interface Sciences - Société (UNIL) 

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memorado.ch ist ein im Jahr 2007 geschaffener Verein, der die Wiederentdeckung und das Studium der Schweizer Geschichte durch ein junges Publikum in den Schulen befördern möchte. Er versammelt Lehrpersonen, Forschende sowie Historikerinnen und Historiker aus der Westschweiz. Das Ziel ist es, eine Verbindung zwischen Forschung und Schulunterricht zu schaffen und historische Dossiers mit Originalquellen bereitzustellen, die die Lehrpersonen in ihrem Unterricht nutzen können. Denn es hat sich herausgestellt, dass der Zugang zu historischen Dokumenten es Jugendlichen ermöglicht, die Werkzeuge des Historikers sowie die Herausforderungen eines kritischen und kontextualisierten Zugangs besser zu verstehen. Dieser Zugang für Jugendliche wird von Dozierenden und Forschenden durch Onlineangebote und Treffen zur Besprechung der historischen Quellen ermöglicht. Eine originelle Initiative, um die Beziehungen zwischen Universität und Sekundarschulunterricht zu stärken und Jugendlichen neue Werkzeuge an die Hand zu geben, wie das im neuen Westschweizer Lehrplan vorgesehen ist.